La Pureté d'un rêve (1915)

     L’air n’était plus immobile en effet ; la girouette du clocher, qui représentait un coq stylisé, tourna légèrement. Hebdomeros qui avait horreur des atmosphères fin de printemps, de cette langoureuse lourdeur qui annonce implacablement l’arrivée des mois chauds, l’approche de cette saison qu’un grand poète qualifia de violente, Hebdomeros comprit que le vent de la mer arrivait enfin et s’en réjouit de tout son cœur ; il pressentit aussi qu’il allait assister à des phénomènes inexplicables qui le forceraient à de longues  et profondes méditations ; le vent frais et doux, le vent des espoirs et des consolations persistait. Jusque-là tout allait bien, mais voilà que le coq, ou plutôt cette silhouette, cette ombre portée d’un coq devenait peu à peu obsédante et commençait à prendre dans le paysage une place prépondérante et à jouer un rôle dans la vie de ce coin modeste et tranquille ; c’était une place et un rôle que jamais auparavant on aurait soupçonnés ; voilà que maintenant elle descendait ;  en même temps elle montait ; agissant comme un corrosif, elle mangeait le clocher d’un côté tandis que de l’autre elle entamait le ciel en s’y découpant et s’y développant avec une lente et inexplicable régularité ; maintenant les pieds du coq touchaient le sol et sa crête les nuages ; des lettres blanches, des lettres solennelles comme une inscription lapidaire, s’avancèrent un peu de partout, hésitèrent, ébauchèrent dans les airs une espèce de quadrille démodé et enfin se décidèrent à s’accoupler selon le désir d’une force mystérieuse et formèrent à quelque hauteur du sol cette étrange inscription :

                                Scio detarnagol bara letztafra.
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