Les ombres festoyantes

 

     Le soir attable ses convives : horizon, cheminées, arcades avides, ombres dentées. Sur la place, le Commandeur leur adresse un geste d'invite.

     En ce tableau, j'ai appris, j'ai compris que le soir était l'ogre du jour, que le diurne finissait toujours dans le désastre ou le divorce des lumières. Qu'à chaque crépuscule la ribambelle des ombres accourait au festin des clartés.

     Repas donc mais repas profane. En cette Cène manque l'hostie. Le sang est celui du soleil, figé dans la boucherie optique du couchant. Une Cène où les convives sont ces ombres hâves, ces apôtres affamés d'éclats. Qui tous attendent l'aube et sa lumière azyme.

J. Lacarrière
 
 
L'énigme d'une journée (1914)
  L'énigme d'une journée (1914)